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 Fodjo Kadjo ABO

Cérémonie d'hommage à Fodjo Kadjo ABO

4 Août 2009, 20:42pm

Publié par Fodjo Kadjo ABO

                                                        

      Le dimanche 02 août 2009, la fondation SOUSSOU-PAPA et la FEMUDESTRA ont organisé à Abidjan une sympathique cérémonie en l’honneur de Fodjo Kadjo ABO, lauréat du Prix Haut de Gamme de la littérature 2008.
       Cette cérémonie a eu lieu à la Bibliothèque nationale sous le parrainage et en présence du Ministre de la Culture et de la Francophonie, Monsieur Augustin Kouadio Comoé.
       Voici le discours que l’intéressé avait prononcé à cette occasion

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Monsieur le Ministre de la Culture et de la Francophonie

Messieurs les Ministres

Respectables autorités coutumières

Honorables invités

Chers frères et sœurs

      Après l’intervention de monsieur le Ministre de la Culture et de la Francophonie, parrain de la cérémonie, je ne devrais plus prendre la parole.

      Mais il y a des événements face auxquels il est difficile de se taire. Il en va ainsi de la cérémonie qui nous rassemble cet après-midi. Comment puis-je garder le silence après tout ce que je viens d’entendre, de voir et de vivre ? Comment puis-je m’empêcher d’exprimer mon émotion et ma joie devant une  si belle cérémonie, organisée en mon honneur et qui, de surcroit, évoque en moi le souvenir d’un vœu d’enfance ?

      Tout jeune, je rêvais d’être magistrat. Ce rêve fut bouleversé quand, arrivé  au second cycle, je pris goût aux lettres, en particulier à la philosophie. Je me trouvai alors confronté à un conflit d’ambitions. Sans avoir renoncé à mon désir d’être magistrat, je caressais celui de devenir écrivain.

      Mon embarras était si profond que lorsque je fus orienté à la Faculté de droit de l’Université d’Abidjan après l’obtention du BAC, en 1978, l’envie me vint de changer et de m’inscrire en philosophie ou, à défaut, en sociologie.

       Je m’étais ouvert à mon cousin Yao Téhua James, alors en licence d’anglais. Il me conseilla de rester en droit. Mais ses conseils, quoique sages, n’avaient  nullement dissipé mon embarras.

       Je me rendis à la scolarité pour voir s’il ne me serait pas possible de faire un transfert. Là, on me fit savoir que c’était possible mais que je risquais de perdre ma bourse. Face à cette réponse et sachant que je ne pouvais pas poursuivre mes études sans bourse, je me résolus à rester à la Faculté de droit à mon corps défendant.

      Après mes études de droit je suis entré à la Magistrature où je fais mon parcours professionnel. Mais, comme le dit un adage, «chassez le naturel, il revient au galop».

      A la faveur des événements douloureux déplorés ça et là en Afrique et d’une triste expérience que j’ai eu à vivre, je n’ai pu résister à la tentation de prendre la plume, devenue aujourd’hui mon compagnon.

      Ainsi, de 2001 à ce jour, j’ai publié cinq livres, tous parus aux Editions L’Harmattan en France, le cinquième venant juste de sortir. Par la grâce de Dieu et de nos vénérables ancêtres l’un de ces ouvrages m’a rapporté le prix Haut de Gamme de la littérature en 2008.

        Dans mon esprit, cette distinction était un succès personnel. Mais au vu des réactions qui ne cessent de se manifester, je n’ai pas tardé à réaliser que c’est plutôt un succès régional. J’en ai pour preuves la présente cérémonie, qui est destinée à me rendre hommage, et cette immense foule qu’elle a rassemblée autour de moi.

      Du fond du cœur et de façon solennelle, je tiens à exprimer ma gratitude à ses organisateurs, à savoir :

-         La Fondation pour la Promotion Humaine, Culturelle et Artistique, plus connue sous le nom SUSU PAPA ;

-         La Fédération des Mutuelles pour le Développement de la Sous-préfecture de Transua (FEMUDESTRA) ;

-         Les chefs traditionnels et la communauté abron.

      Chers frères et sœurs, que Dieu vous bénisse et vous rende au centuple tous les sacrifices que vous avez faits afin que cette cérémonie puisse avoir lieu. A ces remerciements j’associe les sponsors, tous les donateurs et le comité d’organisation, qui a fait un excellent travail.

      Sans vouloir vous flatter, j’avoue que je suis très émerveillé par cette magnifique cérémonie, par les paroles élogieuses que vous avez eues à mon endroit et par les cadeaux aussi somptueux que significatifs que vous m’avez offerts. Toute ma vie j’en conserverai le souvenir.

      A vous tous, mesdemoiselles, mesdames et messieurs qui êtes en face et autour de moi, j’exprime ma profonde gratitude. Je vous remercie d’être vénus en si grand nombre me témoigner votre estime et votre soutien en cette occasion solennelle et mémorable.

      A vous, Monsieur le Ministre de la Culture et de la Francophonie, parrain de la cérémonie, j’adresse mes remerciements particuliers. Pour avoir été informé de votre calendrier de ces derniers jours, je sais que vous aviez de bonnes raisons de vous faire représenter. Mais vous m’avez fait le plaisir, l’honneur et la fraternité d’être là. Croyez-moi, je suis très sensible à cette marque d’estime et de considération.

      L’expérience que j’ai des bons usages m’a enseigné que quand on organise une cérémonie de réception en l’honneur d’une personne, elle doit s’attendre à des surprises, agréables bien entendu.

      Lorsque j’ai été informé de l’organisation de la présente cérémonie, je m’étais dit que j’allais avoir des surprises ; et en effet, j’en ai eues d’excellentes. Mais, s’agissant d’une réception familiale, je ne m’attendais vraiment pas à repartir d’ici avec une décoration. J’avoue donc que je suis dépassé.

      Tout ce que je peux faire devant une telle surprise, mesdemoiselles, mesdames et messieurs, c’est de vous prier de bien vouloir vous associer à moi pour dire merci à Monsieur le Ministre de la Culture et de la Francophonie.

      Monsieur le Ministre, je vous remercie. Mais je ne saurais en rester parce que le vrai artisan de la distinction qui m’échoit aujourd’hui, c’est le Président de la République, son Excellence Monsieur Laurent Gbagbo. Dans l’attente d’avoir. Dans l’attente d’avoir l’occasion et l’honneur de le remercier de vive voix, je vous prie très respectueusement de bien vouloir lui transmettre mon infinie reconnaissance.

      A vous toutes aussi, honorables personnalités de tous ordres qui avez tenu à rehausser l’éclat de cette cérémonie par votre présence distinguée, j’adresse mes remerciements particuliers.

      Au moment de la remise de mon Prix, le 17 janvier 2009 au Palais de la culture, l’occasion me fut donnée de prendre la parole. Par excès d’émotion j’avais omis de rendre hommage aux personnes qui ont contribué à me faire obtenir cette récompense.

      La présente cérémonie m’offre l’agréable occasion de réparer cette omission qui, je vous l’avoue, m’avait fait de la peine. Ces personnes sont si nombreuses qu’il serait fastidieux de les citer toutes. Permettez donc que je cite celles d’entre elles qui m’ont particulièrement marqué.

      Je pense en tout premier lieu au général Gaston Ouassenan Koné, devenu mon coach littéraire par la force des choses. Malgré ses nombreuses occupations, il a toujours trouvé le temps de m’assister dans mes écrits.

      Je me souviens des ces paroles incitatives et prémonitoires qu’il m’avait adressées à la suite d’une séance de travail que j’avais eue avec lui après la parution de mon premier ouvrage : « Si vous m’aviez soumis le manuscrit de ce livre avant sa publication, je suis sûr qu’il allait vous rapporter un prix ».

      Sa prophétie n’a pas tardé à se réaliser. Et comme par hasard, c’est le tout-premier de mes livres pour l’élaboration desquels j’ai bénéficié de son assistance, et qu’il a bien voulu accepter de préfacer, qui m’a rapporté le Prix que nous célébrons aujourd’hui : « Quand l’ambition fait perdre la raison ».

      La seconde personne vers qui ma pensée est tournée au moment où je reçois vos hommages, c’est mon bien cher frère Khalil Zein. Il a largement contribué à faire de mon rêve de devenir écrivain une réalité. Si je ne craignais pas d’être trop long je rendrais témoignage de ce qu’il a fait pour mériter que je le remercie publiquement.

      Je m’en voudrais de ne pas penser également à mademoiselle Donatienne Affoué Edanou, ma brave assistante, et à mon bien aimé frère Kouakou Etienne, qui m’ont beaucoup aidé, chacun à son humble niveau.

      Je terminerai par L’Harmattan, la maison d’édition qui m’a tendu la main au moment où, désespéré, je cherchais en vain à faire publier mon premier manuscrit par un éditeur ivoirien. Je tiens à lui exprimer ma reconnaissance à travers son représentant en Côte d’Ivoire, monsieur Etien N’Da, qui est parmi nous.

      Respectables chefs coutumiers, chers frères et sœurs de SUSU PAPA et de la FEMUDESTRA, au-delà du plaisir et de l’honneur que vous avez bien voulu me faire, cette cérémonie est hautement symbolique à mes yeux.

      Je la conçois comme une prime d’incitation. Autrement dit, dans mon esprit, en l’organisant, vous aviez à cœur de m’encourager à persévérer dans mon engagement culturel. Rassurez-vous, votre message a été bien perçu. Je demande à Dieu et à nos vénérables ancêtres de vous entendre et de me donner les moyens de répondre à vos attentes.

      Je vois également cette cérémonie comme une prime d’émulation. J’ai de bonnes raisons de croire qu’en l’organisant, vous aviez aussi le souci d’amener nos frères et sœurs qui ont des prédispositions pour des arts et des sports à les exploiter. Je souhaite vivement que votre appel soit entendu.

      Les Abron peuvent se vanter d’avoir une culture très riche. Que ce soit dans le domaine de la musique ou de l’artisanat, pour ne m’en tenir qu’à cela, ils ont un riche patrimoine qui, bien géré, pourrait contribuer à faire rayonner la culture ivoirienne, et même africaine.

       Malheureusement les générations contemporaines n’ont pas su assurer la relève de leurs ancêtres, de sorte qu’aujourd’hui il n’en reste plus grand-chose.

      Je ne vous apprends rien en disant que, de nos jours, les Abron ne jurent que par la musique ashanti ; pourtant ils ont hérité d’un trésor musical qui attend d’être mis en valeur. Pour s’offrir des pagnes, chaussures ou chaises traditionnelles, par exemple, ils sont obligés de traverser la frontière pour les chercher au Ghana alors que leurs ancêtres excellaient dans la confection de ces objets d’art.

      Je pourrais fournir de nombreux exemples qui montrent que la culture abron est tombée en désuétude, pour ne pas dire qu’elle est en voie de disparition. Cela n’est-il pas triste ? N’est-il pas regrettable de constater qu’avec un héritage aussi consistant que celui qui nous a été laissé nous soyons absents de la scène culturelle et sportive ?

      Chers frères et sœurs, la présente cérémonie a le mérite de nous inviter à prendre conscience de cette situation et de la nécessité d’y remédier avant qu’il ne soit trop tard.

      Et je l’avoue, c’est à la fois un honneur, une fierté et une grande joie pour moi de réaliser que j’apparais en quelque sorte, pour reprendre un proverbe de chez nous, comme « un gibier en fuite qui va tirer les autres de leur sommeil ». En d’autres termes, je me réjouis de savoir que le prix qui m’a été décerné contribuera à cette prise de conscience et à la restauration de notre culture.

       Je conjure Dieu et nos vénérables ancêtres de faire en sorte que ce réveil, quoique tardif, ne nous donne pas de faux espoirs. Il est bien vrai que nous avons beaucoup perdu sur le plan culturel. Mais il est tout aussi exact que nous avons encore des meubles à sauver.

      Retroussons les manches et mettons-nous au travail comme SUSU PAPA, la FEMUDESTRA et l’association GYAAMANN qui, depuis quelques années, se démènent pour la promotion de la culture abron. Et nous pouvons le faire.

      Il nous suffit de nous mettre dans le même état d’esprit que le président Barak Obama en nous disant intérieurement, mais avec conviction et foi : «Yess, we can».

     Partons d’ici avec la ferme résolution de contribuer, chacun à son niveau et dans le domaine qui lui sied, au rayonnement de la civilisation ivoirienne en tirant la culture abron de son sommeil, pour ne pas dire de son coma.

      C’est sur ce modeste appel que je termine mon propos en vous remerciant de m’avoir prêté attention.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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